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Être thérapeute pour enfants : accompagner les émotions sans jugement ni précipitation

Dans le champ de l’accompagnement thérapeutique de l’enfant, les émotions occupent une place centrale. Elles ne sont pas seulement des réactions passagères : elles traduisent des états internes complexes, des besoins relationnels, des étapes de maturation. Le rôle du thérapeute est de soutenir ce processus en tenant compte des dynamiques émotionnelles, des repères développementaux, et des interactions entre l’enfant et son environnement.


1. Une approche fondée sur le développement émotionnel

Le développement émotionnel ne suit pas une trajectoire linéaire. Il dépend de facteurs multiples : neurobiologiques, relationnels, sensoriels, contextuels. Le jeune enfant, encore peu différencié, vit des émotions massives qu’il ne peut contenir seul. Il a besoin d’un environnement régulateur pour organiser ses expériences internes.

Les travaux de Daniel Stern (1990) et Allan Schore (2001) ont montré que les premières régulations émotionnelles reposent sur la co-régulation avec l’adulte. Le thérapeute devient à certains moments ce "cerveau externe" qui aide à identifier, nommer, moduler ce qui déborde.

👉 L’enfant ne peut réguler ce qui n’a pas encore été reconnu, nommé et partagé dans la relation.

2. Un cadre contenant et structurant

La régularité du cadre thérapeutique constitue un point d’ancrage fondamental. L’enfant s’y repère, anticipe, et développe une forme de sécurité interne nécessaire à la mise en travail de ses représentations. Le cadre ne se résume pas à un lieu ou à un horaire, il est porteur d’une fonction organisatrice. Il autorise l’expression, soutient la transition entre le monde externe et l’espace symbolique.

Ce cadre doit être suffisamment stable pour rassurer, et suffisamment souple pour s’adapter aux besoins du jeune. Il implique un positionnement éthique de l’adulte : présence, constance, non-jugement.


3. La symbolisation par le jeu, le corps, le récit

L’enfant n’accède pas immédiatement à une représentation verbale de ses expériences. Il passe par des modalités de symbolisation indirectes, qui mobilisent l’imaginaire, le mouvement, les récits, les objets.

Dans l’espace thérapeutique, le jeu symbolique, le dessin, le modelage ou les marionnettes permettent de représenter ce qui ne peut encore être dit. Ces médiations servent d’interface entre l’expérience émotionnelle brute et sa mise en forme signifiante.

Le thérapeute observe, accompagne, relance parfois le jeu, tout en respectant le rythme de l’enfant. Il ne cherche pas à “interpréter”, mais à soutenir la transformation d’une tension interne en forme partageable.


4. Des repères pour penser le développement du soi

Le développement du sentiment d’identité repose sur des processus d’individuation, d’attachement, et de reconnaissance. Margaret Mahler a décrit les étapes par lesquelles l’enfant se différencie de la figure maternelle, construisant peu à peu un moi autonome. Ce processus se poursuit dans les échanges avec l’environnement : famille, pairs, école.

Dans cette perspective, Erik Erikson propose une lecture du développement comme une succession de tensions à intégrer : confiance / méfiance, autonomie / doute, initiative / culpabilité… Chaque étape non résolue laisse une empreinte qui peut se réactiver plus tard.

Le thérapeute intègre ces repères pour adapter sa posture, ses attentes, ses outils, et pour ne pas projeter des normes d’âge ou de performance là où l’enfant exprime une fragilité ou une stratégie de survie.


5. Une approche systémique et contextuelle

Le comportement d’un enfant ne peut être compris indépendamment du système relationnel dans lequel il évolue. Les approches systémiques (Minuchin, Bowen, Palazzoli) montrent que l’enfant peut parfois être le porte-parole d’une dynamique familiale, d’un conflit non résolu, ou d’une anxiété ambiante.

Le symptôme devient alors un mode de régulation relationnelle, une manière d’exister ou de maintenir une forme de cohésion. Le thérapeute accueille l’enfant dans sa singularité, mais reste attentif aux enjeux systémiques : attentes parentales implicites, loyautés invisibles, places assignées.


6. Exemple de situation : Amine, 8 ans

Amine est régulièrement en retrait à l’école. Il parle peu, évite le contact visuel, ne termine jamais ses exercices. À travers le jeu, il crée un personnage de chat silencieux et invisible, qui se faufile sans faire de bruit. Le thérapeute soutient cette construction narrative, en validant ce mode d’être, sans le forcer à sortir de sa zone de sécurité.

Progressivement, le récit s’enrichit : le chat explore, ose miauler, trouve un compagnon. L’enfant commence à prendre plus de place dans la séance, puis à l’école. L’intervention s’est appuyée sur la reconnaissance du langage symbolique de l’enfant, sans chercher à corriger un “problème”.


Conclusion

Accompagner les émotions de l’enfance implique un engagement subtil, profond et exigeant. Le thérapeute s’appuie sur des connaissances du développement, des outils de symbolisation, une posture éthique et un cadre ajusté. Il soutient un processus de transformation qui passe par le lien, le rythme, la confiance, et le respect des formes singulières de l’expression émotionnelle.

Dans un monde qui pousse à aller vite et à étiqueter, le thérapeute pour enfants rappelle qu’accompagner, c’est d’abord écouter ce qui cherche à émerger sous des formes parfois déroutantes, mais toujours pleines de sens.


 
 
 

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