Thérapeute pour enfants et adolescents : quelles compétences pour accompagner les émotions de l’enfance ?
- Héléna Hugot
- 17 avr.
- 3 min de lecture
Le développement émotionnel de l’enfant ne suit pas un simple processus de maturation individuelle. Il s’inscrit dans un contexte relationnel, neurodéveloppemental et culturel complexe. Dans ce cadre, la fonction du thérapeute est d’accompagner l’enfant dans la reconnaissance, la symbolisation et la régulation de ses affects, en mobilisant des compétences spécifiques issues à la fois de la psychologie clinique, de la psychopathologie développementale et des sciences de l’éducation.
1. L’écoute : au-delà du langage verbal
Chez l’enfant, la parole est souvent indirecte. L’expression émotionnelle passe par le corps, le comportement, le jeu ou le dessin. Le thérapeute mobilise ici une écoute multicanale (verbale, non verbale, tonico-émotionnelle), dans la lignée des travaux de Daniel Stern sur la synchronisation affective et les formes de vitalité.
Il ne s’agit pas uniquement de décoder des messages latents, mais de soutenir une fonction de symbolisation, en permettant à l’enfant de transformer des vécus émotionnels bruts en représentations partageables.
2. La posture contenante : cadre sécurisant et régulation affective
Le thérapeute s’inscrit dans une fonction de co-régulation, au sens défini par Allan Schore. L’enfant, notamment dans les premières années, ne peut accéder à une régulation autonome sans la médiation d’un adulte capable de contenir ses états internes.
Le cadre thérapeutique (fréquence, durée, règles de l’espace, constance de la posture) joue ici un rôle fondamental de holding (Winnicott), soutenant le sentiment de sécurité interne nécessaire au travail thérapeutique.
3. L’utilisation de médiations symboliques
Les médiations thérapeutiques (jeu, dessin, marionnette, conte, etc.) ne sont pas de simples outils ludiques. Elles représentent des voies d’accès à l’inconscient, adaptées au niveau de développement de l’enfant.
Elles permettent :
une projection symbolique (processus projectif),
une mise à distance du conflit intrapsychique,
un jeu de scénarisation et de reprise active de la scène psychique, facilitant l’intégration émotionnelle (inspiré des apports de la psychanalyse et des TCC chez l’enfant).
La sélection des médiations s’adapte à la structure psychique, à l’âge développemental et aux capacités cognitives de l’enfant.
4. La connaissance fine du développement
Une compétence centrale du thérapeute est la capacité à articuler les symptômes à une lecture développementale différenciée.
Cela suppose :
une connaissance actualisée des étapes du développement cognitif, psychoaffectif, langagier et moteur (Piaget, Erikson, Mahler, Wallon, Bullinger, etc.),
une capacité à repérer les écarts significatifs, sans les réduire à une normalité statistique,
une sensibilité aux fragilités émergentes (troubles de l’attachement, troubles du spectre autistique, TDAH, troubles "dys", etc.)
L’approche intégrative est ici précieuse : elle permet d’articuler des dimensions neurodéveloppementales, environnementales et relationnelles du trouble.
5. Le travail avec les parents : un levier essentiel
Le symptôme de l’enfant est souvent intriqué dans une dynamique familiale plus large. Inspirée des théories systémiques (Minuchin, Bowen), l’intervention thérapeutique peut inclure :
des entretiens parentaux d’éclairage (contenant, soutien, psychoéducation),
une co-construction d’objectifs d’accompagnement partagés,
une élaboration de la posture éducative en miroir avec la posture thérapeutique.
Le thérapeute s’assure que son travail avec l’enfant ne le place pas en position de réparateur unique, mais réinscrit les figures d’attachement dans le processus de soutien.
6. Illustration : Léna, 7 ans
Léna présente une symptomatologie externalisée en milieu scolaire : crises de colère, opposition, rejet de la frustration. En séance, elle évoque — à travers le jeu symbolique avec des figurines — des scènes de rejet et d’humiliation. Le travail thérapeutique s’appuie sur :
un cadre fixe et ritualisé favorisant la régulation tonique et émotionnelle ;
la reprise narrative d’histoires produites en jeu, qui permettent à Léna de réintégrer une capacité d’agir symbolique ;
des entretiens parentaux, visant à restaurer un climat éducatif cohérent et contenants à la maison.
Conclusion
Le thérapeute pour enfants et adolescents n’est pas seulement un “écoutant bienveillant”. Il est un professionnel formé à une lecture fine des processus psychiques en développement, capable de créer un espace transitionnel dans lequel l’enfant peut élaborer, transformer et symboliser ses conflits internes.
Ce métier exige une triple compétence :
relationnelle, pour instaurer une alliance thérapeutique solide ;
technique, pour utiliser les médiations avec pertinence ;
analytique, pour analyser finement les dynamiques intrapsychiques et intersubjectives à l’œuvre.
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